CLAUDE BODIN DANS 7 A POITIERS
Voici le deuxième article de Claude dans 7A Poitiers, semaine du 23 octobre au 29 octobre 2013.
"La focalisation des média sur le sujet aidant, ainsi que les réactions des potentiels bénéficiaires, l'aménagement suggéré des cimetières écologiques ne m'a pas laissé indifférent. Une réflexion déjantée -une bière à portée de main- m'a paru un réflexe salvateur.
« Nos morts, nos pauvres morts, ont d'étranges douleurs » et Baudelaire n'y peut rien. Chateaubriand non plus, outré dans sa mémoire des tombes. Même Brassens, l'immense Georges, qui chantait les « pon pon pompes funèbres » de son enfance. Elles sont révolues, on ne les verra plus... et je note, pour ma part, une diablerie. Lucifer se joue des exorcistes et utilise son homme de faux, Thanatos, sbire nécrophile, pour remettre en cause l'art mortuaire traditionnel. Recentré sur son cœur de métier, Satan tord le cou aux marchands du temple. : granitiers, ébénistes, graveurs, embaumeurs, plus tous les « obséquieux vautours » à l’affût de prébendes.
Qu'il ait pris pour ce faire la couleur verte, très tendance, ne ravira que les puristes, taraudés par le démon d'une vertu encombrante, et plongera dans l'affliction ceux qui épargnaient des thunes pour le costume posthume, des kopecks pour les obsèques, du numéraire pour le funéraire. Ni béton, ni capiton, plus de stèle pour la parentèle, bois non traité, termites pour l'éternité ; il va falloir s'y faire !
Quand de doctes spécialistes prennent en charge familles et amis d'un défunt pour « faire leur deuil », j'applaudis à me rompre les canaux carpiens. Mais le principal intéressé, le trépassé, on fait bien tout pour le rabaisser : cercueil en cartons, fleurs naturelles bien fragiles, suaire-chasuble modèle « hôpital » laissant le train inférieur non recouvert, désherbant interdit au-dessus de l'emplacement, bonjour le pollen sur les tissus en cours de nécrose. En somme, un bon moyen de supprimer la morgue insolente de certains.
Dans un cimetière de cet acabit, le coût de telles agapes sera réduit de 50%. Les héritiers seront ravis mais ce racolage comptable est éhonté pour ce type de nécropole. Rappelons qu'on touche là à l'ultime intimité, faisant par là même, fi des dernières volontés du défunt. Quid du tabellion qui doit se soumettre à l'encre verte légale et obligatoire !
Un fait-divers récent et jubilatoire s'est déroulé à une portée de crémation de Poitiers. Là encore on rejoint Brassens : un conducteur de corbillard, roulant avec la componction qui seyait à son équipage éploré, a dû, en vue du cimetière, satisfaire à l'éthylotest...
Il y a des derniers soupirs qui se perdent... Le diable en rit encore !"